Robert Mapplethorpe : la perfection n’est pas un hasard

Il ne faut pas beaucoup connaître Robert Mapplethorpe pour apprécier Focus : perfection, l’exposition qui lui rend hommage. Ses oeuvres parlent d’elles-mêmes et nous racontent sa vie.

Avec son look un peu rockabilly, un peu « The Clash » et très semblable à celui de Lou Reed, on s’attend bien à ce que Robert Mapplethorpe sorte de l’ordinaire.

Mais pour un profane, l’exposition frappe quand même comme une tonne de brique en plein visage. D’ailleurs, j’ai entendu un visiteur dire à sa copine : « Je suis désolé, je ne m’attendais vraiment pas à ça ».

Un catholique repentant

On entre dans ses débuts, quand la religion catholique l’inspirait et l’inquiétait. Il a d’ailleurs dit qu’il était très inspiré par l’Église et ses autels, mais qu’il ne croyait pas en les dogmes ou en la théologie. Il ne croyait qu’en la possibilité d’être une bonne personne.

À cette époque, il croyait encore devenir bijoutier. Ses bijoux sont jolis, d’ailleurs. Mais c’est aussi l’époque de son idylle avec Patti Smith qui le poussera vers sa vocation. D’ailleurs, leur relation devra se ranger du côté de l’amitié quand il confirmera son homosexualité, mais n’en sera jamais altérée.

Des amis créateurs

La visite se poursuit avec les Polaroids, témoins d’une époque plus pauvre. Cette période pendant laquelle les artistes doivent faire preuve de talent ou démissionner.

On continue avec les pochettes d’albums incluant Television et Patti Smith. On commence aussi à voir ses connaissances tout ce qu’il y a de plus glamour : Blondie, Andy Warhol, Philip Glass, Robert Wilson, etc.

C’est intéressant parce qu’on sent vraiment ce besoin d’argent parmi ses premières œuvres, dont une qui contient un sac de patates. Et j’ai compris plus tard qu’il avait dit « Ma théorie à propos de la créativité est que plus on a d’argent, plus on peut être créatif ».

Beaucoup de cuir et un peu de pornographie

Puis viennent les œuvres-chocs avec le sexe en gros plan. Les gros sexes en gros plan devrais-je dire. Les gros sexes meurtris, même. Entourés de beaucoup de cuir.

Pendant cette période, Robert Mapplethorpe recrutait des artistes pornos et des quidams dans des bars gays pour photographier des scènes érotiques et S&M.

Certaines photos volontairement omises ici sont très violentes. D’autres sont beaucoup plus douces, comme ce couple de rois qui danse. Pour ceux qui n’ont pas le coeur à la sexualité en gros plan, l’expo propose de passer par un couloir où on explique un peu ce qu’on y voit en version plus soft.

Sexe et Magie

Par contre, si des photos de fisting et de saignements sont assez intenses pour le petit public que nous sommes, Robert Mapplethorpe, lui, ne voyait pas ces photos comme un thème violent. D’ailleurs, il avait réfuté l’expression sadomasochisme. Il disait que pour lui, le S&M impliquait tellement de confiance que les lettres voulaient plutôt dire « Sexe et Magie ».

“For me S&M means sex and magic, not sadomasochism. It was all about trust.” – Robert Mapplethorpe

Il a aussi ajouté que la culture underground n’était pas faite pour tout le monde, de toute évidence.

Quelques fleurs aussi

Vers la fin de l’exposition viennent le déclin de sa santé, les fleurs et les statues. Ces photos ont été prises quand le SIDA ne lui laissait plus assez d’énergie pour travailler avec des modèles vivants.

Même s’il détestait les fleurs à un point où il faisait semblant de cracher dessus, il y voyait la même esthétique que dans les sexes et les corps qu’il photographiait avec tant de plaisir quelques années auparavant. C’était là où il cherchait la perfection : dans la composition, dans les courbes et dans les formes. Pour lui, la perfection des formes était la même sur un amant et sur un œillet.

Une vie en œuvres

C’est dans cet ordre qu’on a constaté le chemin de croix d’un artiste véritable. Heureusement, le temps a passé et son œuvre reste, témoin des grandes années de New York avec le Chelsea Hotel, le journalisme gonzo, la musique punk rock et new wave et toute l’audace qui venait avec.

Et malgré toutes les années qui ont passé entre lui et nous, je doute fort que son œuvre eût été mieux accueillie maintenant qu’à l’époque. Une pièce à la toute fin est d’ailleurs dédiée à ses scandales médiatiques. On y mentionne un procès pour attentat à la pudeur en 1990, un an après sa mort.

Nous n’étions pas prêts pour Robert Mapplethorpe, mais il n’en avait cure.

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