Qui sont les fameuses dames du temps jadis ?

Si vous connaissez Georges Brassens et François Villon, même de loin, vous vous êtes sûrement déjà demandé qui elles étaient, ces dames du temps jadis.

J’ai cherché la réponse et c’est autant de petits moments merveilleux que je partage avec vous aujourd’hui.

Les dames antiques

Dites-moi où, n’en quel pays, Est Flora, la belle Romaine

Flora était la divinité romaine des fleurs. Peut-être aussi qu’elle était d’abord une courtisane qui légua toute sa fortune en échange des fêtes célébrées chaque année en son nom : les Floralies. L’histoire n’est pas claire.

Ce qui est sûr, c’est qu’elle était très belle et qu’elle représentait la fertilité sous toutes ses formes. On illustrait sa fertilité par les récoltes abondantes. On l’illustrait aussi par la sexualité, incarnée par la prostitution qu’on retrouvait à ces fameuses fêtes.

Alcibiade, ne Thaïs, Qui fut sa cousine germaine

Alcibiade est finalement un homme. Il est probablement nommé ici parce qu’à l’époque de Villon, on ne savait pas si c’était un homme ou une femme. C’était d’autant plus confus qu’il était le disciple et l’amant occasionnel de Socrate.

Tous s’entendent quand même pour dire qu’il était en Grèce antique un exemple de beauté, de noblesse, de richesse et d’intelligence. Archestrate a d’ailleurs écrit que « La Grèce n’aurait pu supporter deux Alcibiade ».

Thaïs, sa « cousine germaine » de la Grèce antique, était une courtisane de bonne éducation qui fût tour à tour la muse de Ménandre, la compagne d’Alexandre le Grand et la première femme de Ptolémée Ier.

Echo parlant quand bruit on mène Dessus rivière ou sur étang Qui beauté eut trop plus qu’humaine? Mais où sont les neiges d’antan?

Écho est une nymphe qui racontait de belles histoires poétiques pour distraire Héra, la femme et sœur (eh oui !) de Zeus.

Une histoire effroyablement triste

Où est la très sage Héloïs Pour qui châtré fut, et puis moine Pierre Abélard à Saint-Denis? Pour son amour eut cette essoine.

L’histoire d’Abélard et Héloïse est aussi vraie qu’elle est triste. C’est au début du 12e siècle qu’Abélard, un philosophe et intellectuel surdoué de 36 ans est tombé amoureux de son élève, une belle nonne de 17 ans du nom d’Héloïse.

Leur amour caché leur a donné un enfant. Leur folle passion les a poussés à se marier en cachette. Quand ce scandale a éclaté au grand jour, ils retournèrent dans leur monastère respectif et le chanoine de Pierre Abélard le fit émasculer, en guise de punition. Rien de moins. Leur amour n’en a toutefois pas souffert et s’est exprimé à distance tout le reste de leur vie par des lettres d’amour.

La noblesse

Semblablement où est la reine Qui commanda que BuridanFût jeté en un sac en Seine? Mais où sont les neiges d’antan?

La rumeur veut que Jeanne II de Bourgogne, reine de France, ainsi que ses deux sœurs, Blanche et Marguerite, aimaient bien prendre pour amants les meilleurs étudiants et poètes de Paris. Une fois qu’elles étaient parvenues à leurs fins, elles les cousaient dans des sacs et les faisaient jeter dans la Seine. C’est aussi ce qui a donné lieu à l’Affaire de la Tour de Nesle.

Buridan était un professeur et recteur de cette époque et tout Paris racontait qu’il s’était échappé de la fameuse tour. Par contre, les historiens insistent pour dire qu’il aurait été bien trop jeune pour que ce soit vrai.

La reine Blanche comme lis Qui chantait à voix de sirène, Berthe au grand pied, Bietris, Alis, Haremburgis qui tint le Maine,

La reine Blanche, c’est Blanche de Castille, une belle jeune fille mariée trop jeune et qui vécut les hauts et les bas de la noblesse à fond la caisse. Berthe au grand pied, elle,  était l’épouse de Pépin le Bref, mère de Charlemagne. Bietris est difficile à identifier. Alis est probablement Adélaïde de Savoie, une reine de France et femme de Louis VI. Haremburgis, elle, était la fille d’un comte du Maine.

Et les autres…

Et Jeanne la bonne Lorraine Qu’Anglais brûlèrent à Rouen?

C’est Jeanne d’Arc, vous l’aurez reconnue.

Où sont-ils, Vierge souveraine? Mais où sont les neiges d’antan?

Quand on ne sait plus à quel Saint se vouer, on cherche des réponses auprès d’une autre grande dame historique: la vierge Marie.

Prince, n’enquérez de semaine Où elles sont, ni de cet an, Qu’à ce refrain ne vous remaine, Mais où sont les neiges d’antan?

En d’autres termes, messieurs, ne cherchez plus ces femmes, elles ont disparu comme neige au soleil.

Une autre théorie

J’ai lu récemment la théorie la plus merveilleuse du monde à propos de ce poème. C’est Paul Verhuyck qui croit que Villon a simplement marché au milieu d’une fête de neige. Il aurait décrit ses pensées en voyant toutes les belles muses des sculpteurs de glace appelées à disparaître presque aussitôt.

Paul Verhuyck explique : « Les neiges d’antan, c’est-à-dire les neiges de l’an passé [ante annum], étaient de vraies figures de neige, que Villon a vraiment pu voir dans les rues de la ville. Ces sculptures de neige, insérées dans la culture festive, nous les avons rencontrées avant lui et après lui.

Villon a pu voir la neige Thaïs sur la place, la neige Héloïse au carrefour, la neige Echo près de la rivière, etc. Comme à Anvers en 1772, il a pu voir la neige Flora, haute de douze pieds, au coin d’une rue. Comme à Arras en 1434, Villon a pu voir la bonne Lorraine, Jeanne d’Arc au bûcher de glace (quel oxymore cosmique!), entourée de méchants gens d’armes. »

C’est encore plus beau de se l’imaginer au milieu des flocons de neige, à se frotter les mains, que dans son atelier. Vous ne trouvez pas ?

Dans tous les cas, le poème évoque les mêmes femmes. Et c’est Brassens qui rend le mieux hommage au poète et aux femmes en question.

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