Sans que le chien soit mon animal favori, il reste que je ressens toujours une certaine joie quand il apparaît dans une bande dessinée.
Dans l’histoire de ce médium, ces animaux se sont taillés une place de choix, soit comme fidèle compagnon de leur maître, soit dans une série qui leur est consacrée à part entière. Pour cet article, j’ai pensé qu’il serait amusant de parler de 7 parmi les plus célèbres et les plus drôles de ces chiens.
Milou
Celui-ci doit être à ma connaissance le chien le plus ancien à être apparu dans une bande dessinée de langue française.
C’est bien sûr l’animal fidèle de Tintin, qu’il a accompagné dans toutes ses aventures.
Bien qu’il ne soit pas doué de parole, son caractère exceptionnellement vif et éveillé donne l’impression qu’il converse avec son maître de façon normale. Il se permet même des réflexions plutôt désabusées. Celles-ci lui conféreront un air bougon qui s’atténuera avec l’entrée en scène du capitaine Haddock.
Milou raffole des os jusqu’à la gourmandise, mais aussi des charcuteries (dans Le trésor de Rackham le Rouge, il chaparde un poulet entier). Il aime aussi le whisky. Ceci lui vaudra des remontrances assez senties de la part de Tintin. D’ailleurs, dans L’île noire, il subira une fessée !
Il se montre plutôt craintif face à des animaux plus petits que lui. Il est même un tantinet arachnophobe. Mais il sait se montrer courageux lorsque vient le temps de se porter au secours de son maître.
Son nom serait inspiré de Marie-Louise Van Cutsem. Petite amie de Georges Rémy (futur Hergé), on la surnommait Milou. Le modèle, lui, ne serait nul autre que Caesar, le fox-terrier blanc à poil dur du roi Édouard VII qui régna sur l’Angleterre de 1907 à 1910.
Snoopy
De là, nous passons aux chiens philosophes.
Snoopy arrivera dans le monde de la BD en 1950 avec son maître Charlie Brown. À mesure que Charles M. Schulz ajoutera d’autres personnages à sa série Peanuts, le célèbre beagle prendra des allures plus humaines.
Il ne se contentera pas de marcher (et danser) sur deux pattes, mais se mettra aussi à réfléchir. On le surprendra à philosopher, à écrire des romans d’amour. On le verra combattre le Baron Rouge aux commandes de son appareil Sopwith Camel de la Première Guerre Mondiale. Il voudra être le centre d’attention d’un campus universitaire avec son fameux personnage de Joe Cool. Il jouera aussi avec son ami Woodstock. Tout ça, c’est quand il ne dort pas sur le toit de sa niche.
Évidemment, une telle imagination, lorsque confrontée au monde réel, l’entraîne souvent dans des situations invraisemblables. C’est le cas entre autres avec le chat du voisin qu’on ne voit jamais, mais qu’il prend plaisir à narguer, souvent à son désavantage.
En fait, conscient des limites que sa « caniditude » lui impose, il compense en forgeant sans cesse des histoires et des personnages aussi sympathiques que déjantés. Quelque peu schizophrène, il attire immanquablement l’affection des autres personnages de ce petit monde où on n’a jamais vu un seul adulte !
«Certains naissent hommes, d’autres chiens. Et c’est moi qui ai eu la chance de naître chien.»
Idéfix
Il fit sa première apparition dans Le tour de Gaule d’Astérix, où il suivait nos deux héros au sortir d’une boucherie de Lutèce. Dès l’album suivant, Astérix et Cléopâtre, il sera intégré à la série pour de bon.
D’un naturel enjoué, il s’agit bien du seul chien écolo connu à ce jour, n’hésitant pas à planter ses crocs dans les fesses de quiconque s’attaque à un arbre, quand il ne hurle pas à la mort ou ne s’évanouit à la vue d’un arbre abattu. Il fait aussi montre d’une certaine jalousie chaque fois que son maître Obélix tombe amoureux.
Bien qu’Astérix refuse que son ami l’emmène en voyage à cause de sa petite taille, son flair lui a toujours permis d’aider les héros à se tirer de situations périlleuses. Et ce, bien qu’Obélix ne lui ait jamais fait flairer autre chose de des pistes de sangliers… et des menhirs !
« De race indéterminée » selon les auteurs, il doit son nom à un(e) lecteur(trice) ayant remporté un concours lancé par les créateurs de la série. Parmi les noms suggérés, il y avait: Trépeutix, Patracourcix, Toutousanprix, et Papeurdurix, entre autres. L’histoire n’a cependant pas retenu celui ou celle qui en a fait la trouvaille…
Rantanplan
Là, on entre carrément dans un autre département: celui des chiens stupides.
Arrivant en 1960 dans la série Lucky Luke (Sur la piste des Dalton), il se distingue aussitôt par ses allures sympathiques et sa bêtise incommensurable. Chien de garde dans le pénitencier où sont enfermés les Dalton, il les accompagnera dans toutes leurs évasions. Chaque fois, par inadvertance, il aidera Lucky Luke à les capturer à nouveau.
Son physique évoque le berger allemand, mais son museau surdimensionné qui lui donne un air clownesque, et son regard où semble se refléter toute la naïveté du monde, donne un bon aperçu du personnage. Mourant de soif, il ira jusqu’à creuser la terre pour tenter de trouver de l’eau… à deux pas d’une rivière !
Morris, créateur de la série, s’est montré clair sur le fait que Rantanplan est une parodie de Rintintin, chien héroïque par excellence qui fera l’objet de nombreux films western dans les années 20. Dans l’édition britannique, il est baptisé Rin-Tin-Can, ce qui à mon avis est encore plus évocateur de sa stupidité ! Il aura droit à sa propre série qui paraîtra sur 20 albums, de 1987 à 2011.
Odie
Toujours du côté des canins stupides mais attachants, Odie occupe sa place bien à lui, étant le « comparse » du chat Garfield depuis ses débuts.
Odie est de couleur jaune avec des oreilles marron, des yeux exorbités et une langue perpétuellement pendante autant que gluante. Le protagoniste no. 1 de la série le décrit d’ailleurs comme le produit d’un croisement entre un Beagle et une Jack Russel Terrier. Ce qui apparaît assez juste.
Il fait le plus souvent office de faire-valoir et de souffre-douleur au célèbre chat, qui se moque de son manque d’intelligence. Mais il peut aussi réserver bien des surprises, quand par exemple il lit Guerre et paix de Tolstoï.
Malgré le peu d’estime que Garfield semble lui porter, ils savent malgré tout faire preuve d’une grande complicité. Surtout quand il s’agit de jouer des tours pendables à leur maître Jon.
Selon son créateur Jim Davis, le chien devait à l’origine s’appeler Spot, mais un autre dessinateur l’avisa qu’un de ses personnages portait déjà ce nom. Davis s’est alors inspiré d’une publicité de concessionnaire automobile où figurait un idiot de village précisément appelé… Odie.
Kador
Sorti de l’imagination de Christian Binet, le nom de ce chien évoque Emmanuel Kant et Médor (nom le plus commun donné aux chiens en France).
C’est en effet un canin d’une haute intelligence, capable de lire Kant dans le texte. Amateur de mots croisés et de musique classique, il rêve de s’inscrire à la faculté de philosophie. Le problème est que ses maîtres sont Robert et Raymonde Bidochon, le couple beauf’ par définition.
Le « père » se fait constamment un devoir de lui réapprendre les comportements propres aux canidés : apprendre à monter les femelles, uriner contre les réverbères, donner la patte, faire le beau, mendier un susucre, etc. Tout ça au désarroi de l’animal qui se trouve incapable d’assimiler ces comportements propres à sa condition de chien.
Selon son créateur, la présence de Kador serait due au fait que les Bidochon étaient incapables d’avoir des enfants. Ce chien serait donc une sorte de transfert de leur « affection ». Quatre albums seront publiés aux éditions Fluide Glacial de 1978 à 1982, avant qu’il ne s’efface au profit de ce drôle de couple. D’ailleurs, on ne peut que spéculer sur les raisons de ce départ…
Gai-Luron
Comme d’habitude, je me garde le meilleur pour la fin.
Il a été créé en 1964 par Marcel Gotlib pour le journal Vaillant, dans une série intitulée Nanar, Jujube et Piette. Au départ, ce n’est qu’un personnage secondaire qui perturbe le bon déroulement des histoires, un peu comme Gaston Lagaffe. Mais il sera mis rapidement sur le devant de la scène aux côtés du renard Jujube. Les deux autres disparaitront assez rapidement.
Ce « héros au sourire si doux » affiche en permanence un air impassible et vaguement morose quelle que soit la situation. Ce qui en fait une sorte de croisement insolite entre Droopy et Buster Keaton. De race indéterminée une fois de plus, il évoque pour moi à la fois le beagle et le boxer.
Avec son ami Jujube, il travaille à la rédaction du journal où il répond au courrier des lecteurs. En fait, il a un lecteur unique appelé Jean-Pierre Liégeois, jeune lecteur du Var, qui est le beau-père de Gotlib. Il se rend invariablement ridicule à chaque démonstration. Sinon, c’est Jujube qui entreprend d’apprendre quelque chose à Gai-Luron et finit dans le ridicule le plus total.
Il a une compagne, Mademoiselle Dolly, qui deviendra plus tard Belle-Lurette. Ils se font une cour continuelle autour de leur principale activité de couple: la bataille navale. Ce thème permettra à l’auteur de faire prendre un tour nettement plus adulte à son personnage. On le verra d’ailleurs avec l’album La bataille navale… ou Gai-Luron en slip, paru en 1986.
Asexué au départ, le héros se retrouve avec une protubérance évidente à l’entrejambe dès qu’il enfile son slip. Ce qui donnera lieu à bien des gags faisant intervenir le second degré et l’autoparodie. Dix autres recueils de ses gags parus dans Vaillant paraîtront aux éditions Fluide Glacial de 1975 à 1982.
C’était en quelque sorte ma contribution à l’humour canin de qualité. Amis des chiens et de la BD, à une prochaine rencontre.
Journaliste et mélomane, Gilles Tremblay s’intéresse aux humains d’exception et à leurs travers. Il en parle sur Temps Libre avec beaucoup d’enthousiasme et de passion.