Une marche dans le bois Papineau

Je fais partie de ce qu’une amie artiste appelle la diaspora gaspésienne.  Une fille des régions égarée dans la grande ville. À l’occasion, je cherche des coins de paix, comme un animal qui essaierait de retrouver son habitat. Il faut dire que c’est bruyant, la ville. Parmi les éléments que je cherche à retrouver, il y a le bruit du vent dans les feuilles, l’odeur du sous-bois et la solitude. Le bois Papineau a tout ça, à lui tout seul et il le conserve depuis plus de 3500 ans.

Des hêtres et des êtres

Ce qui surprend le plus quand on entre dans le bois Papineau, c’est la presque absence de conifères et d’arbustes. On voit loin dans cette forêt. D’ailleurs, je plains les pauvres petits mammifères qui ne savent pas où s’y cacher. Heureusement pour eux, le seul prédateur qui s’y trouve, c’est nous. Et on ne chasse pas sur l’Île Jésus.

Bois Papineau

Les hêtres qui sont là poussent dans un sol sablonneux et c’est ce qui a sauvé cette forêt au fil des siècles. D’abord, les autochtones s’en servaient uniquement comme point de passage il y a environ 3500 ans. Puis, les premiers Européens l’ont laissée tranquille, puisque le marécage adjacent et le sol n’étaient pas propices à l’agriculture. C’est d’ailleurs l’un des seuls coins de la Grande Région de Montréal qui soit encore identique à ce que les premiers Européens ont vu en arrivant dans la région. Ensuite, les seigneuries environnantes du 19e siècle ont préféré les ressources des autres forêts des alentours par un heureux hasard. Le bois Papineau, jusque-là, a eu de la chance.

C’est sans doute le développement immobilier de l’administration Vaillancourt qui aura représenté la plus grosse menace pour ce bois. Mais encore une fois, et probablement grâce à L’ACBP,il s’en est sorti indemne. C’est comme ça que les lièvres, les canards, les Lavallois et les Gaspésiens des alentours peuvent aujourd’hui profiter de ce petit coin intact.

Des forêts urbaines utiles

Heureusement, parce que les arbres qui parsèment les milieux urbains sont extrêmement utiles. La preuve en a été faite avec l’agrile du frêne, qui a permis d’établir une corrélation entre la diminution du nombre d’arbres et la santé cardiaque des humains.

Ces parasites et insectes qui s’attaquent à des espèces spécifiques d’arbres nous ont appris deux choses. Qu’il faut garder des éléments naturels en milieu urbain et qu’il faut maintenir une bonne variété d’arbres pour éviter de tout perdre à cause d’une maladie ou de parasites. Pour l’instant, rien ne s’attaque aux hêtres, heureusement. Notre petit bois salvateur est sauf.

Les forêts urbaines servent aussi de remparts aux îlots de chaleur, elles purifient l’air et elles filtrent l’eau qui ruisselle vers les nappes phréatiques. Ce n’est peut-être pas un hasard qu’on s’y sente si bien.

Toutes les saisons

Le boisé est un bel endroit où prendre l’air en toute saison. Il n’est pas comme les parcs, bien entretenus, avec des passerelles de bois et des bosquets taillés. Il est désordonné. On y voit des racines et des arbrisseaux qui poussent en diagonale. C’est la nature qui prend ses aises.

L’été, c’est un lieu tempéré et ombrageux où prendre une pause de la canicule urbaine. L’automne, le lit de feuille donne l’impression d’être très loin en forêt. L’hiver, les skieurs de fond et les marcheurs en raquette s’y promènent en silence. Et au printemps, c’est l’endroit où constater que le beau temps et les oiseaux reviennent, sans l’interférence des camions de déneigement et des stationnements où la voirie range la neige sale.

Bref, c’est un havre de paix pour prendre une courte pause, entre deux voyages dans votre contrée lointaine et plus verte. Et comme je ne veux pas abuser de l’hospitalité de ce petit bois et l’achalander comme une vraie fille de la ville, j’alternerai à l’occasion avec le Bois de l’équerre, un autre milieu naturel inestimable.

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