La Coupe Grey et le droit de dire tabarnak

Je dis « le droit de dire tabarnak », même si dans ce cas-ci, je devrais dire « le droit d’être en tabarnak ». Ça vient souvent ensemble, de toute façon.

Contre toute attente, les Alouettes ont gagné la Coupe Grey. On en parlait depuis des mois, il leur fallait seulement six victoires pour se rendre en finale. Puis trois. Puis une. Et de continuer à gagner, idéalement, avec un peu de chance et un coach extraordinaire. Petit train va loin, comme on dit. Ils ont continué de gagner jusqu’à la coupe. Bravo à eux. Je les aime.

Au-delà de cette victoire, j’imagine que vous avez vu l’entrevue épique de Marc-Antoine Dequoy. C’est de ça que je veux parler.

Ça fesse, non?

Parenthèse football, hockey, alouette

En toute honnêteté, je ne connais pas grand chose au football. Je connais un peu l’aventure des Alouettes parce que c’est l’équipe de Montréal et que chaque fois qu’on en parle à la Première Chaine, j’entends des propos positifs d’un coach qui aime ses joueurs ou de joueurs humbles qui donnent tout ce qu’ils ont. C’est quelque chose qui vient me chercher.

J’entends aussi du coin de l’oreille que Jason Maas, le coach originaire du Wisconsin, donne des exercices de français à ses joueurs, par respect pour le Québec. Ça me donne de plus en plus envie de regarder le football et de moins en moins regarder le hockey.

« Ils ont jamais cru en nous »

Même en dilettante, par contre, j’ai pu comprendre l’émotion de Marc-Antoine Dequoy. « Ils ont jamais cru en nous. Partout c’était écrit en anglais. À TSN, c’était écrit Toronto contre Winnipeg. Ben savez-vous quoi? Gardez-le votre anglais. »

C’est gardez-le votre manque de respect que ça voulait dire. Il était au Canada. Un pays censé être bilingue. Alors qu’au Québec tout le monde essaie d’accommoder les anglophones, la Ligue canadienne de football n’a même pas cru bon de faire une petite place aux prétendants à la Coupe Grey. Alors oui, gardez-le votre anglais, et apprenez à vivre!

Gentille alouette

Des joueurs passionnés comme ça, c’est quelque chose à chérir. Surtout quand on voit ce qu’il laisse comme trace.

Une équipe qui veut gagner, qui joue bien et qui a un grand coeur, il faut en prendre soin. Shame on you, LCF.

Dire tabarnak.

Évidemment, toute cette passion fait grand bruit. Et qui dit populaire, dit détracteurs.

Depuis ce matin, donc, je vois des gens qui ne comprennent pas que son entrevue parlait de respect et qui s’accrochent sur le mot « français ». Il a dit « man ». Il a dit « f*cking ». Un français châtié. Fleurs du tapis, me direz-vous, gens de bonne volonté.

N’empêche que ça m’a rappelé pourquoi je sacre. Vous ne le savez peut-être pas, mais mon père était français. Quand j’étais petite, je ne sacrais donc pas. (Mes parents étaient plus catholiques que le Pape de toute façon). Encore au Cégep ou à l’université, je ne sacrais pas. Puis je suis partie en France et mon accent faisait rire tout le monde.

Redis « paaataaaate ». Redis « chandaaaail ». Évidemment, dans le Sud de la France, au milieu de ceux qui ont l’habitude des quolibets linguistiques, c’était plutôt sympathique. Grâce à notre accent, on a bu le jus de pomme maison du verger d’un homme extraordinaire. On a aussi rencontré des gendarmes qui ont tenu à nous montrer qu’ils sont bien plus gentils que la police. Mais à la Gare du Nord, c’était une autre histoire.

Pourtant, j’avais l’habitude de faire attention et d’utiliser des mots internationaux, pour donner une chance à mon pauvre père de Bergerac de me comprendre en pleine crise d’adolescence. Mais à force de faire rire de soi parce qu’on parle sa langue maternelle, on devient un peu cynique. Alors j’ai décidé d’arrêter de faire un effort pour me faire comprendre. J’ai même réalisé l’intérêt de pouvoir parler un dialecte que personne ne comprend. Après un mois, les Parisiens ne comprenaient plus quand je parlais à mon partenaire de voyage.

  • Veux-tu que je te l’ouvre?
  • Non non, malawère esti.
  • Ah mais vous parlez français!
  • Oui.

Tiens donc.

J’ai donc continué de sacrer à mon retour, moi qui parlais autrefois si bien selon les bonnes gens. Et je dis désormais toasteur. Et je dis pogner une débarque. Je dis parfois même c’est f*cking plate, comme Jimmy Hunt en motocross. Et je vais continuer de dire tabarnak, personne ne pourra m’en empêcher. J’ai même fait un tshirt qui dit tabarnak et qui se trouve ici.

Et je comprends fort bien qu’un Québécois à la fois « fou comme de la marde » et « en tabarnak d’avoir passé une semaine avec une ligue qui poussait sa luck » ait envie de dire « On est les f*cking champions ».

Longue vie au Québec.

Longue vie à son accent.

Et longue vie aux Alouettes.

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