Le CBGB, New York

Certaines choses, qu’on considère comme extraordinaires, prennent fin et on est déçu ou découragé ou pire, nostalgique. D’autres se transforment et continuent d’exister différemment et on est encore plus déçu que si elles s’étaient tout simplement terminées.

Une question me vient à l’esprit, connaissez-vous le CBGB? Le «Country, Bluegrass, Blues and Other Music For Uplifting Gormandizers» à New York? Oui? Non? Quoi? Fous-moi la paix, l’vieux?

Dans les années 70, j’habitais dans Soho un appartement crasseux, sur Prince street. Mes amis et moi avions l’habitude de sortir dans les clubs, sur Bowery avenue.

C’était la belle époque.

On adorait la musique : Le jazz, les chanteurs folk, la musique planante, genre Pink Floyd et Tangerine Dream.

Un soir — comme tous les soirs —, on se demandait bien où aller s’humecter le palais. Ça s’obstinait vivement sur le trottoir lorsque je vis une longue file d’attente devant un club. Ce n’était pas normal tant de gens. J’allai m’informer. Un groupe sensationnel, me dit-on. 6 $ l’entrée.

J’essayai de vendre l’idée à mes amis tapageurs, lesquels n’étaient pas très enthousiastes. Six dollar à cette époque, c’était quand même un bon montant. Après un long conciliabule, je réussis à les convaincre d’aller voir ce foutu concert.

L’endroit était rempli, enfumé, tatoué de graffitis mur à mur. Ça puait la robine, le vieux cendrier, les urinoirs et autres substances vertes. On commanda nos bières et, après un long moment, le groupe se présenta finalement sur le stage.

Drôles de gars

Cheveux longs (évidemment), jeans sales et troués, T-shirts blancs. Tous habillés pareil, des originaux quoi! Un look à donner une dépression assurée. Je remarquai toute de suite une énergie étrange dans la salle. Quelque chose de glauque et d’inquiétant, pour moi qui aimait fumer mon joint, relax, sans souci.

La musique commença. Très forte. Les amplis avaient de la misère à cracher toutes les notes. La foule houleuse hurlait. Le groupe enchaîna chanson après chanson à une vitesse folle. Sans pause. Avec une violence telle! 30 minutes comme un coup de poing en pleine gueule.

J’entendis la fille devant moi dire à sa chum : «Ça, c’est de la poésie!». J’avais le goût de lui crier : «Non, non, tu te trompes, c’est loin d’être de la poésie…!!!».

Depuis, je me suis toujours méfié de la poésie.

Le spectacle prit fin en dégueulant son monde sur le trottoir. Mes amis, eux aussi sur le cul, m’engueulaient en me rappelant qu’avec 6 dollars, on aurait pu boire Ô combien de bières. Je ne pouvais leur dire le contraire, mais le temps allait me donner raison.

Le club, c’était CBGB.

Le groupe : The Ramones. Le genre de coup de poing à réveiller les consciences. J’allais passer dans ce lieu une bonne partie de ma jeunesse.

Concert après concert, j’allais y découvrir des artistes qui allaient complètement changer ma façon de voir ma vie : Patti Smith, Mink DeVille, Blondie, Talking Heads, The Damned, The Fleshtones et la liste est longue.

En 2016, j’étais en voyage à New York avec mon fils. Je voulais lui montrer mon fameux club CBGB et j’appris alors qu’il s’était transformé en boutique de vêtements. Non, vraiment? Comme un coup de poing en pleine gueule.

Et je suis devenu nostalgique.

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