Leonard Cohen: un tour d’horizon personnel

Avec la sortie d’un nouvel album de Leonard Cohen, You Want It Darker, je me suis penché sur quelques chansons de l’artiste en question. Auteur, compositeur, interprète, écrivain et poète, il est désormais reconnu pour des chansons fortement autobiographiques. Il peut s’y profiler un certain humour noir, et elles sont souvent marquées par une spiritualité évidente, mais jamais envahissante.

Je me propose bien humblement de retracer quelques anecdotes significatives autour de quelques unes de ses pièces.

Suzanne

Déjà parue dans un recueil de poésie intitulé Parasites of Heaven paru en 1966, Suzanne sera d’abord lancée par Judy Collins qui en fera un estimable succès. Son auteur l’intégrera un an plus tard dans son premier album, The Songs of Leonard Cohen qui sort l’année suivante.

Le sujet de la chanson n’est autre que Suzanne Verdal, qui était à l’époque la compagne du sculpteur Armand Vaillancourt. La chanson raconte les rituels auxquels ils s’adonnaient lors de leurs rencontres chez elle à Montréal (le thé et les promenades près de l’église Notre-Dame-du-Bon-Secours). Interrogés quelques années plus tard, les deux insistent pour dire qu’ils ne s’agissait que d’une relation platonique.

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Une bien jolie histoire qui deviendra un de ses premiers classiques, et qui a été reprise par de nombreux artistes tels Pauline Julien, Greame Allwright, et aussi Alain Bashung qui en fera une version bouleversante pour son ultime album, Bleu Pétrole.

Famous Blue Raincoat

Autre classique, Famous Blue Raincoat est, elle, une chanson à saveur autobiographique. Celle-ci est écrite sous la forme d’une lettre à un ami impliqué, comme lui, dans un triangle amoureux (désigné dans la chanson comme «Mon frère, mon assassin»).

Elle révèle aussi, d’une certaine façon, la brève appartenance de Cohen à l’Église de Scientologie. Il mentionne l' »État de Clarté » où selon les préceptes de cette église, le membre ne serait plus soumis à ses pensées ou souvenirs néfastes. Et en plus, la phrase «Did you ever go clear ?» traduit une certaine autodérision, autre trait particulier à son écriture.

Parue en 1971 dans Songs of Love and Hate, elle sera reprise entre autres par Tori Amos. Jennifer Warnes donnera aussi ce titre à un album consacré aux chansons de l’artiste.

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Chelsea Hotel #2

Pour Chelsea Hotel #2, Leonard Cohen relate – bien qu’elle ne soit jamais nommée dans la chanson – sa relation d’un soir avec Janis Joplin. Il s’agit d’une autre de ses chansons les plus connues, bien que plus tard, son auteur ait dit regretter de l’avoir enregistrée. Il n’empêche qu’à mon avis, elle contient une de ses lignes les mieux tournées:

We are ugly, but we have the music !

Elle figure sur l’album New Skin for the Old Ceremony publié en 1974.

En passant, avec son histoire et sa renommée des plus particulières du fait de tous les artistes qui y ont séjourné, je pense que l’hôtel Chelsea mériterait bien son propre article un de ces jours.

Lover, Lover, Lover

Du même album, il y a aussi Lover, Lover, Lover que Cohen aurait écrite pour encourager les soldats israéliens lors du conflit du Yom Kippur en 1973. Il aurait même à l’époque émis le souhait de s’enrôler dans l’armée d’Israël avant que les autorités ne l’en découragent, lui suggérant plutôt d’employer ses talents littéraires pour soutenir les troupes. Ce qu’il a fait.

Everybody Knows

Changement de registre: Everybody Knows de l’album I’m Your Man (1988), elle, traite de tous les maux de l’humanité. Il y parle d’avidité, de sida, de racisme, entre autres, sur un ton oscillant entre gravité et désinvolture.

Au cinéma, Atom Egoyan a utilisé la chanson dans son film Exotica sorti en 1994. Mais c’est Alan Moyle qui en a fait l’utilisation la plus marquante dans Pump Up the Volume (1990). L’animateur de radio clandestine, interprété par Christian Slater, l’utilise comme indicatif d’ouverture d’une émission où il exprime un point de vue désabusé de son époque, tout en incitant son jeune auditoire à la révolte.

Le tout dans une bande sonore incluant Soundgarden, les Cowboy Junkies, Sonic Youth, les Pixies… et Concrete Blonde qui reprend cette même pièce dans le film. Ce qui atteste brillamment de  l’intemporalité de Cohen et de sa capacité de s’adresser à tout le monde toutes générations confondues.

Anthem

Terminons avec une chanson de paix et d’espoir comme seul Cohen peut en écrire – sans prêcher ni faire la leçon: Anthem, de son album The Future (1992). Il aurait travaillé sur cette chanson pendant une dizaine d’années. Jusqu’à ce que Rebecca De Mornay, sa compagne de l’époque, lui indique que cette chanson était parfaite dans cette forme. Leonard lui en a alors confié la réalisation.

There is a crack in everything. That’s how the light gets in.

L’auteur lui-même avait traversé une période difficile à cette époque. Son fils Adam ayant subi un sérieux accident de voiture qui l’avait laissé dans le coma pendant 4 mois. On peut déduire que la chanson reflète aussi cet épisode.

Voilà: c’est la façon que j’ai choisie de souligner la parution du nouvel album de Leonard Cohen. En rappelant que l’homme et son œuvre ne viennent pas de nulle part. Et qu’il n’a pas fini de charmer ni de surprendre. À une prochaine fois !

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