Le dessin de presse, familièrement appelé « comic strip », est encore bien vivant de nos jours. Il y a même certains dessinateurs qui l’amènent à des niveaux assez vertigineux. Comme l’illustrateur Tom Gauld et son recueil Vous êtes tous jaloux de mon jetpack que j’ai découvert il y a peu, et qui me fait encore bien rire.
En guise d’introduction
Pour situer l’homme brièvement, il est né en Écosse en 1976. Il habite à Londres où il a fondé une famille avec l’artiste Jo Taylor. C’est lors de ses études à l’Edinburg College of Art qu’il se mettra à dessiner sérieusement. Et il se mettra à publier après son passage au Royal College of Art.
Il publiera ses dessins entre autres pour le New York Times et le supplément hebdomadaire du journal The Guardian, d’où sont tirés les illustrations du présent recueil.
Publié dans sa version originale en 2013, il sera édité en français aux éditions L’Association, et au Québec par la maison Alto l’année suivante.
On est ou, là?…
Si le titre du recueil paraît être un défi des amateurs de science-fiction aux tenants de la « grande littérature », sa lecture révèle plutôt un constat mi-amusé mi-désabusé des clivages entre les genres.
Et au-delà du graphisme assez simple – même quasi-élémentaire, la démarche amuse et déroute tout à la fois. Imaginez un univers où se côtoient ceux de Peanuts, Gotlib, Daniel Goossens, Le concombre masqué et les Monty Python.
Comment, en effet, ressentir une autre impression en voyant une souris lire Ulysse de James Joyce – et mourir en cours de lecture?
Ou encore en voyant les sœurs Brontë héroïnes de jeux vidéo?
Quand ce n’est pas Tintin mis en scène par Samuel Beckett…
Et tout ça ne donne qu’un faible aperçu du livre. Sans oublier une fée marraine féministe, les chapitres apocryphes de la Bible et les passages perdus de Germinal…
Se moquer des barrières
C’est certain, un des aspects du génie de Tom Gauld est bien la confrontation de genres – à bien distinguer de « mélange » ici. Non seulement cela, mais il semble éprouver une certaine jubilation à ce jeu. État qui se transmet aisément au lecteur grâce à un humour qui met dans le mille.
Mais peut-être regrette t-il aussi un temps où il y avait moins de cloisons étanches entre les genres et les disciplines?
Il a déjà dit dans une entrevue avoir beaucoup lu Tintin – et surtout Astérix, dans sa jeunesse. Cela explique peut-être l’amusement qu’il semble éprouver devant ces petits conflits sectaires. Et aussi à se moquer des travers de la vie moderne.
Les adeptes du nonsense, c’est connu, sont principalement des iconoclastes. Mais je dirais aussi que la fonction principale de cette discipline (en plus de faire rire) n’est pas tant de critiquer l’absurde, mais de le désamorcer pour mieux en rire. Si c’est bien cela, il est clair que Tom Gauld en est un de ses plus brillants représentants.
Du rêve et de la recherche
En tout cas, pour ceux que l’humour absurde séduit, son recueil Vous êtes tous jaloux de mon jetpack est très recommandable. Personnellement, j’attends le jour où Terry Gilliam lui proposera d’en faire des capsules d’animation…
Mais en attendant ce jour, je vais me mettre à la recherche de ses deux autres livres.
Journaliste et mélomane, Gilles Tremblay s’intéresse aux humains d’exception et à leurs travers. Il en parle sur Temps Libre avec beaucoup d’enthousiasme et de passion.