C’est sans doute vrai qu’il semble y avoir de moins en moins d’êtres humains de qualité de nos jours. Mais plutôt que de s’en lamenter, à mon avis il suffit de garder l’œil ouvert et de les reconnaître quand ils passent.
C’est dans cet esprit que je tenterai de mon mieux de vous parler de l’autobiographie de John Cleese intitulée :
Enfin, Bref….
Situons d’abord le bonhomme: né le 27 octobre 1939 près de Weston-super-Mare (drôle de nom, je trouve…) dans le sud de l’Angleterre, fils unique de Reginald Francis Cleese (Cheese à l’origine, mais paraît-il qu’il avait suffisamment honte de ce nom pour le modifier avant de s’enrôler lors de le 1ère Guerre mondiale) et de Muriel Evelyn Cross, il s’est découvert un talent d’humoriste à l’école, il a étudié le droit à Cambridge dès 1961 – et le plus important, s’est joint à la troupe universitaire (les Footlights) pour y tester ses talents d’acteur et principalement se mettre à écrire des numéros humoristiques (surtout pas pour chanter, les avait-ils prévenus).
Le succès obtenu par la revue créée par la troupe lui permettra de se rendre avec eux en Nouvelle-Zélande, puis de jouer dans une comédie musicale à Broadway (TRÈS long détour, un peu comme ce paragraphe d’ailleurs; n’empêche qu’autrement, il n’aurait sans doute jamais rencontré Terry Gilliam ni sa première épouse).
Sa carrière sera bel et bien lancée en 1966 avec The Frost Report, où il jouera et écrira des sketches avec d’autres comédiens qui deviendront fort connus – dont Marty Feldman. Avec son partenaire d’écriture Graham Chapman, il persistera et signera avec How to Irritate People, expérience plutôt pénible de son propre avis mais qui aura servi à constituer les futurs Monty Python, dont le Flying Circus demeurera – je pèse mes mots – une œuvre digne du patrimoine télévisuel mondial, sans compter les films qui suivront: Monty Python and the Holy Grail, The Life of Brian et The Meaning of Life. En plus de créer sa propre série humoristique (Fawlty Towers) et d’y tenir le rôle principal, d’écrire le scénario du film A Fish Called Wanda en 1988 et d’y tenir un des rôles principaux. Il apparaîtra dans The Muppet Show, tiendra le rôle de Nick-Quasi-Sans-Tête dans les 2 premiers films de la série Harry Potter, jouera dans deux films de James Bond et prêtera sa voix au personnage du roi dans Shrek 1, 2 et 3. Et plein d’autres trucs que je n’évoquerai pas sans craindre de trop étirer la sauce (au point de presque oublier les fameux Secret Policeman’s Ball qu’il a mis sur pied dans les années 80 pour soutenir Amnistie Internationale dont il a toujours été un militant actif)…
Maintenant, après cette bio express quelque peu bâclée, le livre lui-même.
Le seul reproche que je peux faire à ce bouquin, c’est de se pencher bien peu à mon goût sur la période Monty Python que l’auteur n’aborde qu’à l’avant-dernier chapitre…
Pour sauter de 45 ans en arrière à la partie finale, soit au spectacle donné par le troupe à l’O2 Arena de Londres en 2014, et qui a rassemblé près de 160,000 spectateurs en 10 jours. Spectacle encensé par la critique, sauf le Daily Mail[1], que l’auteur attaque malicieusement dans son livre en faisant référence aux allégeances pro-nazies de ce journal durant la 2ème Guerre mondiale.
Pour le reste, il semble que je n’aie jamais autant fraternisé avec un être humain que ce digne individu. Rien que ce passage (chapitre 1, page 18):
«Si vous voulez mon avis, mieux vaut être un trouillard qu’un psychopathe, et je suis fier d’avouer que je n’ai jamais été capable de regarder un tournoi de combat libre.»
Du reste, il est vrai pour moi que la vie peut être tout, sauf une jungle infernale où il faut monter sur la tête du voisin pour réussir. Avec ceci en tête, et la société étant ce qu’elle est, pas étonnant qu’il ait passé souvent pour une « chochote[2] » durant une bonne partie de son parcours scolaire. Et au fil de la lecture, j’ai bel et bien constaté que son parcours professionnel s’est caractérisé par une grande dignité et d’un fort respect pour les collègues de travail qu’il a croisé sur son itinéraire. Avec en plus une certaine lucidité qui lui aura permis de reconnaître et de prendre ses distances des escrocs et des faux-jetons.
Plus que tout, j’ai ressenti que l’homme qui a écrit ces lignes, en plus d’être talentueux, est empreint d’un humanisme qui semble être de moins en moins courant de nos jours, d’où certainement la sympathie qu’il m’a inspiré à la lecture. Sa méfiance envers les conventions sociales, artistiques et familiales, son aversion envers les châtiments corporels infligés aux enfants – qu’il a subis à l’école élémentaire, son athéisme affirmé (que je ne partage pas vraiment à vrai dire étant plutôt agnostique, mais bon…) et l’importance qu’il accorde à la dignité humaine le rendent à coup sûr des plus attachants. Ajoutez à tout ça un sens de l’humour qui arrive à percer même dans les passages où il relate ses moments plus difficiles, et vous avez un bouquin fort recommandable. Je dirais même: à mettre dans vos lectures d’été… et des saisons à venir.
Voilà: c’était ma contribution à faire connaître une œuvre qu’il vaut la peine de lire. Et comme il est plus difficile de faire aimer quelque chose qu’on aime soi-même que de tout dénigrer systématiquement, j’espère ne pas avoir échoué et vous donner le goût de vous y plonger.
[1] Pour chercher des équivalents, pensez à Sun Media chez nous ou à Fox News aux États-Unis.
[2]« Moumoune » sous nos latitudes.
Journaliste et mélomane, Gilles Tremblay s’intéresse aux humains d’exception et à leurs travers. Il en parle sur Temps Libre avec beaucoup d’enthousiasme et de passion.