Mellotron: un son étrange venu d’ailleurs

Dans les années 60, la musique populaire a pris un nouveau tournant avec l’électrification des instruments, c’est un fait. À partir de là, ce n’était qu’une question de temps avant que les synthétiseurs ne fassent leur entrée.

Il existait déjà plusieurs instruments à clavier qui ont fait leur marque à cause de leur son légendaire: les orgues Hammond, Vox et Farfisa particulièrement. Mais l’un d’eux, le Mellotron, est devenu à mon humble avis le plus emblématique pour bien des raisons. Et ayant toujours en un faible pour le rock dit progressif, ça se comprend davantage, bien qu’il ait aussi eu aussi une place prépondérante dans la musique pop, où il s’est d’abord fait remarquer.

Avantages et risques

Il s’agit d’une sorte d’orgue polyphonique capable de rendre des sons de cordes, d’instruments à vent et de chœurs, entre autres. Le tout grâce à des bandes magnétiques où étaient enregistrés les sons à reproduire.

Son origine provient d’un instrument similaire plus ancien, le Chamberlin. Ce sera une firme britannique située à Birmingham, Bradmatic ltd., qui reprendra les bases de l’instrument en l’améliorant.

En passant, l’appellation Mellotron provient de MELOdy and elecTRONics – avec un l en surplus. 

Le modèle le plus répandu – le M400 – pouvait accueillir des « racks » interchangeables où les bandes étaient disposées, ce qui étendait considérablement les possibilités de l’instrument. Et c’était une amélioration énorme à comparer aux modèles précédents où les bandes étaient disposées en permanence, et limitait leur utilisation au studio.

Malgré cela, il était difficile de trimbaler cet instrument en tournée, en raison des risques de dérèglement des têtes de lecture, et des bandes magnétiques qui pouvaient se rompre pendant le transport.

Bizarreries spatiales et instrumentales

Pas surprenant donc que les échantillonneurs numériques aient supplanté le Mellotron au début des années 80. Mais ce dernier a eu tout le temps d’acquérir un statut mythique qui dure encore de nos jours. 

À quoi cela tient-il? Les possibilités de l’instrument et le talent de leurs meilleurs utilisateurs y sont pour beaucoup. Mais la raison essentielle, c’est le son qu’il produit: étrange, voire fantomatique, comme s’il provenait de partout et de nulle part à la fois, et qui séduit à cause de cela. Les anglophones ont d’ailleurs un mot pour ça: eerie.

Et ça s’entend dans des pièces comme Forever Afternoon (Tuesday?) et Nights in White Satin tirées de l’album Days of Future Passed qui a établi la réputation des Moody Blues. Mais il reste que ce sont les Beatles qui ont mis l’instrument à l’avant plan avec Strawberry Fields Forever, et sa célèbre intro jouée par Paul McCartney.

Personne ne s’étonnera donc que le Mellotron était un élément primordial dans le rock psychédélique. Et une pièce comme Space Oddity de David Bowie (où Rick Wakeman tenait l’instrument) en témoigne.

Classiques et continuateurs 

Et dans ma petite liste de classiques mettant cet instrument en avant, on peut mentionner In the Court of the Crimson King de King Crimson (Robert Fripp jouait l’instrument), Blackberry Way de The Move, Watcher of the Skies de Genesis, et Depuis l’automne d’Harmonium… et tout l’album Si on avait besoin d’une cinquième saison en fait. Et n’oublions pas le fameux Kashmir de Led Zeppelin.

Outre les formations mentionnées plus haut, on peut mentionner Yes, Gentle Giant, Jethro Tull, et même Black Sabbath (Changes sur l’album Vol. 4)! Et dans les années 90, Lenny Kravitz, Tom Waits, Red Hot Chili Peppers, Belle & Sebastian et Oasis – pour ne nommer que ceux-là, s’en sont abondamment servi. Peut-être plus pour l’aura « vintage » de l’instrument, mais ça a tout de même donné des résultats intéressants.

https://www.youtube.com/watch?v=eHJ7An2CMB4

Pour conclure…

Bref, à mon sens, le Mellotron – tout comme le Hammond B-3 – a vraiment contribué à forger l’univers du rock et de la pop avec sa sonorité particulière. Et c’est bien une des raisons pour lesquelles je me suis intéressé à la musique au départ: le côté expérimental allié à l’effet de surprise.

Au plaisir de reparler musique une prochaine fois.

Laisser un commentaire