Je suis allée à la Ronde-Six-Flags™ pour faire plaisir à ma famille cette semaine. J’étais plus déprimée en repartant que je l’étais en arrivant. Qu’est-ce qui est arrivé à La Ronde? La Bonne-Vieille-Ronde?
La journée s’annonçait bonne, il faisait juste assez beau pour qu’on soit bien, mais pas assez pour attirer tout le monde. Ma nièce et mon neveu n’avaient jamais vu la Ronde. Pour eux, depuis des années, c’était un peu comme entendre les légendes du Parc Belmont. Un genre de rêve fiévreux avec des manèges dangereux et des histoires à dormir debout. Ils nous entendaient pleurer la Pitoune et vanter le Goliath et ils avaient très hâte d’avoir peur en ce beau jour de juillet. Mon frère en vacances dans la grande ville voulait qu’on les accompagne.
On a décidé d’acheter une passe saisonnière pour moi et mon fils. Il y a quelques années on faisait toujours ça, c’était moins cher que deux entrées, on pouvait se stationner gratuitement, on avait un billet ou deux pour inviter des copains et on avait accès au parc jusqu’à l’Halloween. Fin octobre était un peu frais pour la Pitoune, mais c’était intéressant comme offre.
En plus, on pouvait payer un petit surplus pour aller voir les feux d’artifices. C’était le bon temps.
La Pitoune est partie. (Et le fun aussi)
Cette année, après plusieurs années à bouder parce que la Pitoune était partie, j’ai donc décidé de redonner une chance à la Ronde.
J’ai acheté une passe Argent. On m’a bien fait comprendre à l’achat que c’est la passe des losers qui n’ont aucun sens des affaires. Pas de stationnement, pas le droit d’entrer les jours de feux d’artifices, pas de billets pour les amis, et pas d’Halloween. Mais on a le droit d’entrer de temps en temps. C’est déjà ça, je suppose.
Armés de ma capture d’écran, on est entrés, on a montré un code QR, la fille à l’entrée a pris une photo et nous a remis une carte générique.
– Il n’y a plus de photo sur la passe?
– Non madame, plus de photo sur le PASSEPORT, juste dans nos machines.
– Onké
C’était la première fois de mes neveu et nièce alors on a voulu commencer en grand : direction le Monstre. Après une file d’une heure entre les vieilles gommes et les graffitis, on a pris le deuxième train. Il brasse beaucoup plus qu’avant. Ou peut-être que je suis vieille. J’ai eu une petite pensée pour l’homme courageux qui avait passé des heures dans ce manège.
On est ensuite allés dans le Bateau pirate. Des hommes nous ont dépassé dans la longue file pour aller rejoindre leur famille. Une fois dans le bateau, tous les membres de ladite famille levaient les bras en criant. L’opérateur n’a pas aimé ça et le leur a dit en français, puis en anglais. Ils ne parlaient ni un ni l’autre alors il a arrêté le manège et a dit que le tour était fini.
– Est-ce que nous on peut rester dedans?
– Non.
– Onké.

L’heure de manger
Les enfants commençaient à avoir un peu faim alors on a décidé d’aller manger. Comme le McDonald’s de la Ribambelle était fermé pour de bon, on a décidé d’opter pour une bonne vieille place de poutine. Fines Poutines™ sonnait fancy. C’est ce qu’on a choisi.
Sur le chemin, on a visité l’arcade. La fille au comptoir était sur son cell. Je pense qu’elle ne nous a pas vus. On est sortis.
Après avoir vu mon frère commander et payer près de 130$ pour sa famille, je me suis dit qu’on allait partager les fines poutines. « Deux poutines, trois hot dogs et un gigantesque Coke svp« . Le gars roulait des yeux en bredouillant un montant. J’ai payé à reculons, en espérant que les cuisiniers aimaient davantage leur travail que lui. Finalement non.
C’était sec et triste. Personne ne nous a donné de ketchup. Ça a roulé des yeux de nouveau quand on en a demandé. On n’a jamais eu le Coke, le gars à qui on l’avait commandé avait dû rouler des yeux trop longtemps, il avait déjà oublié notre visage et a demandé la facture. On lui a montré. Il nous l’a donné. On n’a pas dit merci. Il n’a pas dit merci. À ce point-ci du service, on s’entendait tous pour se dire qu’on n’avait plus rien à se dire.
D’autres manèges
En marchant entre les détritus, je commençais à être triste. Un de mes manèges préférés dont le nom m’échappe était parti. La pitoune l’était aussi depuis longtemps. Le petit train aussi. Tout me donnait l’impression de tomber en ruine. On a fait le Dragon. C’était extrêmement long avant d’embarquer. Heureusement l’opérateur était drôle.
On a fait le Goliath. Il n’y avait personne, c’était génial. On a aussi fait le Tour de ville. Plusieurs fois. La gentille opératrice trouvait ça bien drôle. Ça m’a redonné espoir. Je n’aurais pas dû baisser ma garde.
On a décidé de prendre un dessert au Dippin Dots. Sur le chemin, les fantômes des forains de jadis me criaient de tenter ma chance à lancer quelques balles pour gagner un énorme lapin rose. Heureusement que les fantômes étaient là parce que les jeunes au comptoir étaient en train de jouer sur leurs téléphones.
En arrivant au Dippin’ Dots, la fille au comptoir était horrible. J’ai encore payé à reculons. Et puis on a mangé nos petites billes savoureuses entre les goélands borgnes et les détritus jusqu’au dernier manège qu’on avait le temps de faire : le Vampire.
Comble de malheur
Le manège a bien été. On pensait que la sangle était mal attachée, mais l’opérateur nous a dit que c’était correct. Cette petite inquiétude m’a empêchée d’entendre mon fils quand il m’a demandé : « Est-ce que je devrais enlever mes lunettes?« . J’aurais dit oui. Elles sont tombées. Ce n’est pas de sa faute.
C’est quand même 600$ des lunettes. On est donc revenus voir la fille de la file pour lui demander comment faire pour aller les chercher. Sans nous répondre, elle nous a tendu un Code QR. J’ai dit : « Est-ce que je peux parler à quelqu’un, c’est important?« . Elle est allée (en soupirant) chercher un autre gars. Il m’a tendu un code QR. Je suis partie.
On a fait plusieurs fois le tour du manège. On sait où les lunettes sont. Entre la marmotte et la cabine. Quand je suis arrivée pour le dire à la personne du service à la clientèle elle m’a répondu avec un petit sourire de gérance qu’on ne va pas à cet endroit madame, que les techniciens viennent le matin madame, attendez une semaine madame et rappelez-nous.
J’ai rempli un formulaire d’objet perdu à l’aide du maudit code QR. Puis j’ai attendu. J’ai rappelé. J’ai réécrit.
Parce que je ne connais rien là-dedans, j’ai commencé à me demander à quelle fréquence les gens déambulaient sous les manèges pour surveiller les boulons. La sécurité s’est mise à m’inquiéter. Puis quelqu’un a publié une vidéo du Titan qui faisait des choses bizarres. La Ronde l’a fermé pour des raisons de sécurité. Un manège de moins. Toujours pas de lunettes.
Finalement, après deux semaines, on m’a répondu ceci :

Je ne retrouverai jamais les lunettes. On en a acheté d’autres. Cette journée m’a coûté environ 850$. On ne m’y reprendra plus. La Ronde me déprime. J’ai l’impression que d’ici 10 ans, quelqu’un la sortira de sa misère.

Dame Anne vit dans une brume où se côtoient amitiés, boissons, gâteaux et oeuvres d’art.
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