J’aimerais aimer les insectes. Ou juste au moins être capable de rester zen quand j’en vois un. S’il y en a un sur moi, ma réaction est démesurée. Je me tape dessus, je crie, comme si ma vie était en jeu. J’ai l’air ridicule. C’est juste un insecte. Et pire encore que les insectes, côté répulsion incontrôlable, il y a les larves.
La larve, je regrette, mais c’est la pire forme d’existence qui soit.
Merci Hubert Duprat
Considérant ces faits, j’estime que c’est un vrai petit miracle qu’Hubert Duprat a réalisé. Cet artiste français m’a permis pour la première fois de ma vie de regarder une larve avec des cœurs dans les yeux.
Respect. Il s’est fait connaître dans les années 80 par l’originalité de sa démarche, soit de travailler en collaboration avec des larves. Il se compare à un architecte qui fait travailler ses maçons. Mais il ne s’associe pas à n’importe qui pour réaliser son travail, il lui faut la larve de trichoptère.
Une larve qui aime le bricolage
Connu aussi sous son vocable anglais de «caddisfly», le trichoptère adulte a des ailes, et vous le confondrez facilement avec un petit papillon de nuit brun avec de longues antennes. Mais à son stade larvaire, vous devrez être attentif pour le repérer. Il vit en eau douce tout au long de ce cycle, et il se construit un petit fourreau, comme une sorte de carapace ou d’armure pour se protéger de ses prédateurs.
Grâce à une colle qu’il produit, colle d’ailleurs qui fait l’objet d’études pour son imperméabilité, il enrobe son corps de petits débris présents dans l’eau : gravier, sable, brindilles, particules de coquille d’escargot. Et au final, ça donne quelque chose qui ne ressemble plus à une larve, mais à un tas de petites roches collées ensemble.
Seule la tête de la larve est visible.
Alors, ouvrez l’oeil la prochaine fois que vous serez sur le bord d’un lac ou d’une rivière. Si vous voyez un petit tube de gravier qui avance lentement sous l’eau, vous venez probablement de trouver une larve de trichoptère. À la fin de ce stade, une nymphe sort et le fourreau est abandonné.
C’est cette technique pratiquée par les larves elles-mêmes qui est à la base de l’œuvre de Duprat. En échange de leur collaboration, il doit leur fournir un milieu de vie en laboratoire qui correspond parfaitement à leur environnement naturel.
Et c’est ici qu’intervient l’artiste: il va les contraindre à n’utiliser rien d’autre que des pépites et fils d’or, des pierres précieuses, des paillettes et des perles comme matériaux pour confectionner leur fourreau. De cette façon, lorsque le stade larvaire est terminé, la nymphe laisse un petit bijou tout à fait unique derrière elle.
J’en veux un!
Bien qu’on aurait envie de les porter, Hubert Duprat préfère nous présenter ses créations plutôt sous forme de sculpture qu’il est possible de voir dans ses expositions. Son travail ne se limite pas à cette expérience avec les trichoptères, et je vous invite à le découvrir.
Des artisans se sont inspirés de la même technique pour créer des bijoux faits à partir de fourreaux de larves de trichoptère, comme Kathy Kyle Stout, qui vend ses bijoux en ligne.
Spécialiste du bonheur, de la magie et des sensations fortes.